Enfin, le télétravail se démocratise !

Autrefois réservé à de rares chanceux, sorte de Graal inaccessible pour le commun des salariés, le télétravail se popularise grâce aux récents textes de lois adoptés, notamment la loi du 29 mars 2018. Le télétravail est désormais un droit opposable, c’est-à-dire que l’employeur doit désormais motiver son refus.

L’accès au télétravail est même devenu un argument d’embauche pour séduire de nouveaux talents, ce qui prouve que les entreprises ont bien compris son intérêt pour leurs salariés – et leur propre bénéfice à le mettre en place.

Aujourd’hui, il existe même des entreprises qui se sont construites 100% en télétravail.

Une évolution qui va à l’encontre d’une culture du travail qui faisait jusqu’à récemment la part belle à la présence, à la ponctualité, mais aussi à l’esprit d’équipe et au partage informel d’informations.

Pourtant il existe des bonnes pratiques qui permettent de satisfaire tout le monde : les employés, les managers… et le banquier.

L’état des lieux du télétravail

Pour ceux qui sont entrés dans la vie active il y a plus de 10 ans, le télétravail était une sorte de rêve inatteignable, un privilège réservé auxcadres supérieurs et aux directeurs. Mais si dans certains secteurs –service à la personne, distribution, santé…-, il semble difficile de le mettre en place, le télétravail progresse partout ailleurs.

Le nombre d’accords signés entre syndicats et direction a augmenté de 50% entre 2017 et 2018 selon une étude de Malakoff MedericHumanis.

Aujourd’hui ce sont 29% des salariés qui sont concernés, de manière occasionnelle ou régulière, contre 25% un an plus tôt.

En 2016, le pourcentage s’élevait péniblement à 16,7% mais déjà à l’époque (oui, il y a 3 ans) 71% des personnes interrogées le considéraient comme une « véritable révolution » et 96% pensait que cette pratique améliorait le « bien-être » des salariés.

Portrait-robot du télétravailleur

Qui télétravaille ? 49% des télétravailleurs travaillent dans des entreprises de plus de 1 000 salariés, ce qui tendrait à prouver que les grands groupes ont moins de freins proportionnellement, que les entreprises d’autres tailles.

Plus de 5 télétravailleurs sur dix sont des cadres (51%), presque tous sont en CDI (97%), la moitié a entre 35 et 49 ans et plus d’un tiers vivent en Île-de-France. (Source)

Ce sont les ordonnances de 2017, mais aussi la tempête Gabriel en janvier 2019 et les grèves dans les transports de 2018 qui ont clairement accéléré la mise en place du télétravail, pour continuer l’activité, malgré les difficultés.

Home office, coworking…

92% des télétravailleurs travaillent à leur domicile.

Un pourcentage écrasant. Les quelques points de pourcentage restant se répartissent entre :

  • l’utilisation d’un tiers-lieu –coworking, bibliothèque, café équipé de WIFI…-
  • et l’accès à un bureau satellite mis à disposition par l’entreprise.

Ce dernier type de configuration concerne par exemple les salariés en déplacement, ou implantés dans une région mais rattachés à une direction située dans une autre région.

Une alternative pour les entreprises consiste à louer un bureau dans un centre d’affaires pour leurs télétravailleurs, a fortiori s’ils sont plusieurs dans une même commune. Plus souple qu’un bail traditionnel et plus pratique qu’un local nu, les centres d’affaires profitent d’ailleurs largement de ces « New Ways Of Working » (NWOW).

Pourquoi tenter le télétravail ?

Pourquoi passer au télétravail ?

Tout d’abord pour « réduire ou supprimer » les trajets entre le domicile et le lieu de travail, répondent plus de la moitié des télétravailleurs (54%) ».

Coût du carburant, temps de transports, grèves, bouchons, stationnement… Se rendre sur son lieu de travail devient de plus en plus pénible pour certaines catégories de travailleurs et dans certaines zones, c’est même devenu un point noir pour recruter.

Les bénéfices de la Smart City tardant à se faire jour, les entreprises s’adaptent et laissent, parfois à contrecœur, les salariés travailler une ou deux journées par semaine hors de leurs murs.

Salariés : quelques arguments pourvos N+1 réticents au télétravail

Pour trouver les arguments justes, il faut d’abord comprendre que notre culture d’entreprise repose, hélas, sur l’entreprise industrielle du XIXe s. : un patron, des ouvriers qui « pointent », et des managers qui surveillent et organisent les tâches.

Aujourd’hui, le secteur tertiaire a largement supplanté les usines et de nombreux outils permettent de travailler à distance.

N’hésitez pas à rappeler que de grandes entreprises recourent depuis longtemps au télétravail : la Banque de Francele pratique depuis 2009, et la Société Générale depuis 2013.

Vous pouvez également souligner qu’il existe aujourd’hui des entreprises dites « distribuées » (« full remote » en anglais) qui se sont construit 100% en télétravail. C’est le cas de Platform.sh, une société spécialisée dans le cloud BtoB créée en 2014 (sûrement pour donner l’exemple…) et ancrée à San Francisco, Paris, Londres, et Cologne. Ses 120 salariés sont répartis dans 17 pays et différents fuseaux horaires.

Les 550 salariés d’Automattic, qui n’est autre que la société éditrice de WordPress basée à San Francisco, travaillent eux aussi à distance, depuis une cinquantaine de pays.

Les 25 salariés de Boondmanager, startup éditrice d’outils de gestion basée à Brest, fonctionnent eux aussi 100% en télétravail.

Et oui, ces entreprises sont florissantes et leurs salariés travaillent.

Employeurs : pourquoi vous avez tout intérêt à autoriser le télétravail

La satisfaction au travail de vos collaborateurs est une composante importante de votre propre réussite. Cela a été démontré à de nombreuses reprises si bien que, cela nous vient des États-Unis comme souvent, un nouveau métier est apparu : le chief of happinessofficer. Sujet de plaisanterie pour les uns, sorte de coach sympa pour les autres, l’existence de ce métier aura au moins eu le mérite de démontrer qu’outre les missions relatives à chaque poste, le cadre et les conditions dans lesquelles ces missions étaient exécutées comptaient tout autant.

Or selon une étude Ifop réalisée pour Le comptoir de la nouvelle entreprise Malakoff Médéric Humanis dévoilée le 20 février 2019, 8 télétravailleurs sur 10 se disent « satisfaits » ou « très satisfaits » de le pratiquer.

Le télétravail, comme nous l’avons vu plus haut, est vraiment plébiscité par les salariés français. Une récente étude IFOP commandée par les cafés Lavazza fait état d’une nette préférence pour le télétravail (48%) par rapport… à un chief of happinessofficer (19%) lorsqu’on les interroge sur leurs attentes par rapport au bien-être au travail.

Le télétravail génère la responsabilité individuelle

Par ailleurs, si certains pensent qu’en télétravail, le salarié en profite pour relâcher la pression, c’est en réalité tout l’inverse qui se produit. En effet, le salarié se ferait même un devoir de ne pas décevoir son N+1 : « Sur le plan managérial, accorder le télétravail est perçu comme un signe de confiance. Ceux qui en bénéficient n’ont pas envie de décevoir ! » Hervé Gonsard, DG RH de la Banque de France.

Valorisé, le collaborateur n’a pas envie de perdre la confiance qui vient de lui être accordée – allant parfois jusqu’à faire des heures supplémentaires pour compenser et prouver sa bonne foi. En effet, loin de provoquer un relâchement, le télétravail a même, selon certains, tendance à encourager les salariés à en faire un peu plus que s’ils étaient sous la surveillance de leur supérieur hiérarchique.

Enfin, et c’est le résultat de l’expérience, le télétravail génère une plus grande efficacité des collaborateurs (79 %). Responsabilisés, libérés des contraintes de présence, les salariés donneraient le meilleur d’eux-mêmes.[/vc_column_text][vc_empty_space][mk_blockquote font_family= »none »]On s’est rendu compte qu’on gagnait énormément de temps, celui qu’on ne passe plus dans les transports et dans les conversations non-désirées au travail.

Anthony Lambert, cofondateur de Boondmanager

Un dernier argument ? En réduisant les déplacements, le télétravail permet aussi de réduire la pollution atmosphérique.

Nouveaux modes de travail, nouveaux outils, nouvelles méthodes de management

Qui dit nouvelle organisation de travail dit nouvelles méthodes de management, nouveaux process et nouveaux outils.

Cela peut paraître rébarbatif, mais une fois implanté, le télétravail pourrait bien vous apporter un nouveau souffle à votre entreprise.

Cela requiert aussi de passer du management du temps de travail à un management à la performance, c’est-à-dire :

  • Fixer des objectifs clairs
  • Travailler en mode projet
  • trouver les outils adéquats pour communiquer en direct et de façon informelle.

Il existe désormais quantité d’outils pour travailler à distance en mode projet (Slack, Monday…) et communiquer (Skype, whatsapp, …).

Des rituels et des rendez-vous réguliers

Pour créer la cohésion malgré la distance, les sociétés qui misent sur le télétravail organisent généralement des rendez-vous réguliers en « conf call » pour les employés à distance.

Certaines sociétés organisent même des rendez-vous vidéo pour que leurs salariés qui le souhaitent, par exemple, jouent aux cartes ensemble.

D’autres enfin, organisent des séminaires à raison de trois ou quatre fois par an, pour permettre à tous les collaborateurs de se rencontrer dans un cadre informel. Le budget économisé en location de bureau et remboursement de transport est ainsi réinvesti dans un team building.

Réussir l’expérience du télétravail

Tout d’abord, le télétravail doit faire l’objet d’un accord oral ou écrit (mail, courrier), d’un accord collectif, ou d’une charte élaborée par employeur.

La législation s’étant assouplie à ce sujet, c’est à chaque entreprise de considérer l’option la mieux adaptée à sa situation, son secteur, ses contraintes.

Comme nous l’avons vu plus haut, c’est un véritable changement de paradigme que produit le télétravail. Le véritable challenge sera vraisemblablement de passer d’une culture du présentéisme à une culture du « work in progress ».

Par ailleurs, le reproche qui est souvent fait au télétravail est qu’il ne favorise pas la cohésion et le travail d’équipe. En effet, communiquer par messagerie peut remplacer les conversations informelles mais parfois, nous avons besoin de nous rencontrer et une « conf call » en visio est souvent un pis-aller. Or, comment faire si vos salariés s’absentent régulièrement, et de façon aléatoire ?

Créer la cohésion malgré la distance

La solution : instituer un jour durant lequel les salariés doivent faire acte de présence –hors situation exceptionnelle-, et organiser les réunions ce jour-là. Pour faire le point sur le niveau d’avancement du projet et, le cas échéant, corriger la trajectoire.

De plus, vous n’êtes pas obligé d’adopter le télétravail définitivement. Vous pouvez très bien tester le télétravail quelques mois, et faire un bilan pour identifier les points positifs et les points à corriger, les outils à adopter et les méthodes à modifier. Quant aux salariés qui proposent le télétravail à leur N+1, vous pouvez également le présenter comme un test. Il vous incombera alors de prouver votre efficacité et de rester joignable.

Travail à distance et cybersécurité

Enfin, si vous êtes employeur, veillez à ce que votre salarié dispose d’un WIFI sécurisé et respecte des conditions de confidentialité. À l’heure où même de grandes entreprises sont piratées dans leurs propres murs, la préoccupation pour la sécurité des données ne doit pas non plus empêcher de prendre la moindre nouvelle initiative.

En revanche, il convient de prendre les dispositions adéquates pour éviter tout problème de fuite des données pour une simple délocalisation d’une partie de vos employés.

Si la Banque de France et la Société Générale pratiquent le télétravail depuis des années, une TPE ou une PME devrait pouvoir y arriver également !

Le télétravail pour réduire les arrêts maladie

Pour terminer, le télétravail est peut-être également la solution à des arrêts maladie un peu trop nombreux ou fréquents.

Comme nous l’avons vu plus haut, les trajets deviennent de plus en plus pénibles pour de nombreux travailleurs, surtout dans et à l’abord des grandes agglomérations – et Aix-Marseille n’est pas en reste.

Mais il existe aussi d’autres raisons pour lesquelles un salarié s’absente de son poste de travail : un conflit avec un autre salarié, une situation familiale qui exige sa présence, etc… Le télétravail pourrait constituer une sorte de troisième voie, entre l’arrêt complet et l’activité.

En résumé, pour peu qu’il soit bien préparé en amont et que le cadre de son exercice soit défini, le télétravail pourrait bien offrir de nouvelles perspectives aux entreprises. S’il est encore sujet à suspicion pour certains, sa démocratisation prouve que nous quittons lentement mais sûrement une vision de l’entreprise devenue obsolète et que nous sommes prêts pour l’entreprise du XXIe s..

Pour aller plus loin :

Code du travail qui définit le télétravail : Legifrance.gouv.fr

Loi pour le renforcement du dialogue social : Legifrance.gouv.fr

* Étude de perception Ifop pour Malakoff Médéric Humanis réalisée auprès de 1 604 salariés et 401 dirigeants d’entreprises de plus de 10 salariés du secteur privé en novembre et décembre 2018.